Je me suis décidée à être végétarienne il y a une douzaine d'années, après un long combat où j'ai enfin trouvé une sérénité équilibrée en faisant correspondre mon désir d'épargner volaille ou bêtes d'abattoir et mon refus de consommer viande ou poisson. Le combat a été long et difficile : par la suite, il m'est arrivé de rêver que je me préparais amoureusement une tranche de foie de veau comme je sais le faire - finement farinée, posée dans le beurre qui ne doit pas grésiller, donc après quelques minutes mangeable à la cuillère. Mais je n'ai jamais imposé mon régime aux amis que j'invite ni à ceux qui m'offrent le restaurant, car je ne veux pas avoir l'air de donner des leçons de morale par une abstinence qui ne peut que paraître chargée de reproche. D'ailleurs j'ai perdu l'envie et le goût de la viande, et au restaurant je laisse discrètement sur mon assiette tout ce qui n'est pas légume (l'inutilité de la renonciation en ce cas, que je perçois fort bien; garde toute sa valeur théorique) Le régime est strict lorsque je suis seule, et c'est le plus souvent le cas. Je ne me sens donc plus complice des massacres perpétrés chez les bovins, les ovins, les ^porcins ou les volailles; et je pense bien avoir signé un bon millier de pétitions pour la protection de ces malheureuses bêtes. que la civilisation humaine toriure ou assassine de la naissance à la mort avec une bestialité et une ingéniosité démoniaques (je pense aux fermes de sang où la mise à mort des juments est l'aboutissement d'un effroyable calvaire). Je ne me faisais pas beaucoup d'illusions sur ces manifestations d'indignation devant la cruauté des professions de la viande, mais voilà qu'au terme de quelques années d'acharnement et de soulèvement contre l'horreur la mentalité collective a manifestement changé, même si les résultats matériels, aux mains de trop puissants lobbies, tardent à se faire confirmer par les mesures des gouvernements. Oui; les protestations passent même au niveau de la rue : je vous en parle dès demain.