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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 12:47

RESONNEZ,  MUSETTE ET MIRLITONS !

 

 

Oui, cette fois encor, mes belins, mes belines,

Nous n'avons pas atteint le jour du décadi

Que nous nommons négligemment le samedi

Et où il m'est permis, en guise d'aspirine,

D'échanger le labeur d'un cerveau fatigué

Contre l'enivrement des doigts sur le clavier.

 

Vous le savez déjà : foin des raideurs d'arthrite!

Mes dix doigts sont dotés d'une constitution

Qui les fait galoper sans rime ni raison

Autres que célébrer une alexandrinite

Qui s'exprime sans heurt fort remarquablement

Comme si c'était là, enfin, son  élément.

 

Point ne m'a-t-on laissé le choix en la matière :

Panne sur Internet, téléphone et télé!

Je dois bien assumer le poids de ce pavé

Sans trop fort espérer qu'un rayon de lumière

M'arrivera, comme SFR  l'a garanti,

Dans les cinq jours, jusqu'à mardi après-midi.

 

En ne voyant dans mon ordi qu'une machine,

Remington, Underwood ou bien Olivetti,

Exactement comme en mes beaux jours je le fis,

Je peux certes me consacrer à la routine

Et adjoindre à leur fichue panne de réseau

De  toutes mes ressources l'éloquent tableau.

 

Ainsi, mes chers amis, mieux vaut rire, à tout prendre,

De pareil incident quoiqu'il soit bien  fâcheux,

Que de pleurer ou bien s'arracher les cheveux,

Ou tempêter sans rien vouloir entendre.    

Aussi bien, je l'apprends, vous êtes en congé?

 Pas de scrupule alors si j'ai anticipé!                  

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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 12:44

 

 

REMISE EN ORDRE

 

          J'espère bien que je tiens le bon bout! Il a fallu près de trois heures, réparties entre hier matin, hier soir tard et ce matin derechef, pour obtenir d'over-blog (une fois Internet gagné à ma cause) l'Ausweis indispensable. Je ne mens pas : c'était la course implacable aux identifiants et mots de passe, comme si j'en avais désormais besoin pour acheminer mes blogs vers vous. A force de constater que les nouveaux mots de passe proposés se trouvaient indigestes ou irrecevables, on a rebricolé un très ancien ouvre-boîte en lui ajoutant deux chiffres (parce qu'il fallait au moins huit éléments). Les entretiens et conversations muettes entre sourdingues via le mail ont tout de même porté leurs fruits : voilà, ce matin jeudi je peux m'adresser directement à vous, mes belins- belines, histoire de vous confirmer que tout va bien à bord. Les blogs retardés sont peut-être dans le désordre, et certes la mirlitonnade pour une fois non située dans le ('(-èweek-end ne vous sera adressée qu'aujourd'hui. Elle suit dans la foulée... Moyennant quoi, nous pouvons quitter ces zones de turbulences et retrouver la vitesse de croisière."Marchez, marchez!" comme on dit parfois dans Marivaux : en attendant, les pages s'ajoutent aux pages, c'est à petite vitesse que nous avançons vers l'Empyrée.

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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 09:44

 

 

VIVEMENT LA FIN DE LA PANNE DE RESEAU!        

 

 

Certes je vous ai tout expliqué : je me sens donc, pour une fois, blanche comme neige, puisque ce n'est pas mon incapacité à manipuler les boutons ou tirettes qui a déclenché cette absence d'envol vers vous, mes belins-belines. Et naturellement cela se passe - avec ma malchance congénitale - toujours un jeudi, de manière à ne pouvoir contacter les équipes de dépannage qu'après le week-end avec ses mois de nourrice. Donc demain,  m'a-t-on dit, m'a-t-on même promis. Mais l'expérience du monde me rend sceptique : vont-ils vraiment venir remettre les choses en ordre de marche? Vont-ils pouvoir gérer à la fois le téléphone, l'ordinateur et la télévision? Il est vrai que je peux m'en passer quelque temps : je lis d'abondance, bouquin après bouquin, sûre de ne pas être harcelée par les vendeurs de voyance ou les entrepreneurs à un € pour isoler mon sous-sol ou tout me refaire de la cave au grenier, le tout payé par la gouvernance (tellement assez riche tout d'un coup, semble-t-il, pour offrir ce  cadeau fabuleux à toutes les familles de France et de Navarre) . J'ai toujours férocement envié mon mari lorsqu'il a pu lire tout Balzac une fois immobilisé pour un bon bout de temps; mais il n'était alors pas question pour lui d'établir le contact quotidien avec ses belins-belines puisque l'ordi n'existait pas encore, du moins dans notre ménage. Et pas de film le soir via la télé, deux d'affilée le plus souvent, parfois trois... Je n'ai pas même regardé les programmes pour ne pas ronger mon frein  dans le vide...Bref la panne SFR n'a guère de charme une fois qu'on a goûté un peu de silence et de solitude.

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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 09:39

IMPASSE

 

          Y a-t-il parmi vous, mes belins-belines, un seul être aussi malchanceux (ou incapable : cela demande à être précisé) que moi poor me? Je vous fais juge : des faits, rien que des faits. Je termine ce matin un blog sous la date du jeudi (déjà c'est pas beau, oui je sais, d'avoir du retard, mais j'ai l'intention de corriger par une double contribution). Le temps de lui mettre un titre (lequel doit toujours se choisir après le point final), l'ensemble disparaît. Ni dessus l'écran, ni derrière, ni sous le clavier : évaporation totale et non rattrapable. Je repars dans le même sujet, je retrouve à peu près tous les points que j'avais traités, donc le blog tient à peu près debout, ni plus ni moins qu'un blog habituel, vous voyez bien ce que je veux dire.Bon. On peut se contenter de ce petit résultat qui ne casse pas des barres. Allons-y!... Eh bien non, l'expédition me sera refusée quatre fois de suite. Mon protecteur, le over-blog rédiger d'où toute fusion dépend, est inaccessible, disparu, absent. Si j'insiste en direction de l'administration (des fois ça m'a réussi); j'obtiens une affichette aussi moqueusement hostile que le fameux "Hem, je ne réussis pas à situer ce site" et qui m'annonce qu'il faut une connexion à laquelle je n'arrive pas. Me voilà donc, en fin de journée, avec deux blogs sur les bras (un sans intérêt je vous le concède, puisqu'il ne fait  qu'établir le détail de ma malchance, mais enfin qui avait sa raison d'être, je ne sors pas de là). Et que puis-je faire, sinon enregistrer ces pages piteusement, en attendant que peut-être demain quelque aimable dépanneur vienne se pointer à la rescousse, non pas tant avec sa boîte à outils qu'avec la géniale pratique de l'informatique dont je ne pratique que la grossière écorce?

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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 09:35

REPRISE D'ACTION ENERGIQUE

 

          Mais si, mais si, mes belins-belines! SFR a bien tenu sa promesse, soit venir me rendre la vie par le biais de son courant personnel dès mardi après-midi. Le tout s'est finalement passé aux alentours de 20 heures, après que j'aie eu supplié au bout du fil le technicien (qui m'annonçait qu'il remettait l'arrangement du réseau à un autre jour faute de temps) qu'il n'en fît surtout rien ou je me trucidais de désespoir avant qu'il n'ait le loisir de raccrocher. Se laisser attendrir par une vieille dame fut efficace, nous nous sommes quittés bons amis. Je me suis donc précipitée sur l'ordi retrouvé (j'ai pris conscience de l'amour que je lui portais mine de rien) dans l'intention flamboyante d'envoyer à la suite les quelques blogs réalisés dans ce grand mutisme d'Internet. Nous y vooilà donc. et dès le premier en date rien ne part. Je tente de vous décrire la nouvelle situation, il est près de minuit et pour moi la guerre n'est pas terminée. A plus!

 

Petit ajout du lendemain mercredi : Non, la lutte n'est pas terminée pour moi! Certes la connexion est rétablie avec Internet, mais c'est over-blog qui refuse de coopérer,  qui rue dans les brancards et me réclame méchamment un mot de passe dont je ne me suis jamais servie pour envoyer mes blogs dans vos bras. Une longue journée de plus pour attendre le technicien local - tout en fin de journée m'a-t-il dit... Mes messages vont peut-être pouvoir vous parvenir ce soir avant le clair de lune...

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24 février 2020 1 24 /02 /février /2020 14:49

LA CAPITALE ET L'ITALIE

 

          J'au beau avoir manqué trois ou quatre jours d'actualité parisienne, il ne m'est pas bien difficile de vite savoir qu'Agnès Buzyn a déjà gagné quatre points. Je ne sais pas qui établit ces statistiques, ni surtout comment les questions sont présentées, car même si les godillots de service dans la presse se sont empressés de publier ce signe prometteur, sur quoi ont-ils bien pu se fonder? Une seule possibilité, qui expliquerait tout : le sourire de bonne soeur de la dame, un sourire qui n'a pas quitté son visage même pour constater, et maintenir, l'état catastrophique de nos hôpitaux. Je ne vois rien d'autre pour lui valoir ces quatre points, car ce ne sont certes point les résultats de son activité qui ont pu entrer en ligne de compte : ils sont aléatoires et brassés dans le vide. La candidate s'est pourtant installée triomphalement, "Maintenant que je suis là vous allez voir ce que vous allez voir!". Oui on verra, le soufflé a bien le temps de retomber. En tout cas,  l'âpre empoignade de ces trois Jocondes nous promet de belles occasions de dilatation de rate. Plus sérieux pour terminer : je m'inquiète de l'installation du mal chinois en Italie, où l'état de siège semble sinon décrété du moins imminent. Pas de crainte à avoir pour nous : nos deux hospitalisés se portent comme un charme. Mais nous avons tellement eu l'habitude qu'on nous mente aussi au chapitre contamination! Rappelez-vous comme le nuage de Tchernobyl s'était arrêté net dès qu'il avait vu qu'il allait survoler les frontières françaises....

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23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 14:12

MENUS CHANGEMENTS

 

          Vous auriez presque raison d'imaginer qu'il me plaît dernièrement de changer mes rythmes de travail, à remplacer le blog du samedi (voire quelque blog de milieu de semaine) par une élaboration dominicale. En réalité, je tâche de rattraper le dimanche ce que la bousculade de certains jours m'a empêchée de mener à bien. D'ailleurs cette même bousculade m'a aussi empêchée de suivre l'actualité d'après les plateaux (diversifiés mais toujours semblables, de tonalité comme de conclusion) où des commentateurs font semblant de discuter - et c'est vrai qu'ils se crêpent le chignon parfois, mais c'est sans conséquence, juste un petit intermède qui pimente la banalité des échanges, et le téléspectateur qui a bien suivi tous les débats reste sur sa faim, car on ne lui a rien proposé de nouveau ni même rien de stimulant. J'en étais  donc restée à des révélations de paillardise, et c'est hier seulement que j'ai vu que la ministre peut-être la moins minable de cette gouvernance avait quitté le navire sous prétexte de se conquérir un perchoir indépendant. La lutte entre trois postulantes femelles telle qu'elle s'annonce va nous offrir de douces veillées au fond des chaumières, mais ce que je vois surtout c'est qu'il ne reste plus personne à bord du navire qui dérive depuis déjà si longtemps... Reste-t-il un pilote au gouvernail, hormis un homme éperdu qui crie à tous vents qu'il tient la barre mais auquel personne n'ajoute foi?

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21 février 2020 5 21 /02 /février /2020 09:48

LAURE A L' ŒUVRE, chapitre N, pages 147 à 150

 

(vendredi 21 février)

 

 

CHAPITRE  N

 

 

          Et Julie et Plume faisant le petit lapin… L’une et l’autre sur le dos, les pattes avant croisées sur le cœur, la tête dodelinant à droite puis à gauche, sans fin si on le demandait, juste pour dire qu’on aurait fait un sacré petit chat de cirque si quelqu’un avait bien voulu s’en occuper. Naturellement ce n’était pas là l’ambition de la maison ; mais il s’était trouvé que d’elles-mêmes – et séparément, à trois ou quatre années d’intervalle, donc sans possibilité de se copier – elles avaient mis sur pied ces salutations d’allégresse dont elles attendaient des félicitations pour, de toute évidence, sourire largement. Aucun des autres n’avait su se contorsionner de la sorte, ni croiser les mains sur le cœur dès qu’on sollicitait un effort de ces petites pattounes.

          Douces heures passées avec des chats dont le souvenir s’était incrusté à jamais dans sa mémoire. Elles refaisaient surface, pleines, radieuses, ineffables. Un minou croisé dans la rue qui avait des airs de Mitsouko ou de Câline, de Misery ou de Mannix suffisait. La fonction d’aide-mémoire du titre Papillons de Nuit paraissait bien secondaire, même si elle avait pour l’instant agi comme une piqûre de rappel. Comme pour l’enfance, le domaine des chats restait si vivant, si enraciné dans le cœur, qu’il suffisait d’un effleurement léger pour faire jaillir en foule les images et les sensations. Pourquoi les idées dont elle aurait tant besoin  ne se pressaient-elles pas avec la même abondance, la même insistance, la même impatience à se faire remarquer ? Une seule idée suffirait, pourvu que ce fût la bonne…                               

          Elle prenait bien conscience que si elle se relançait dans l’aventure (elle n’osait même plus pour elle-même qualifier la décision : ne serait-elle pas en train de perdre avec la réalité le contact qui correspondait à la sagesse, ne serait-elle pas en train de perdre la tête comme une vieille bête ?) ce serait à cause de Vuk, oui pour lui, pour lui faire plaisir. Il avait manifesté une telle ferveur, une telle foi … Elle revoyait son sourire, lorsque, le premier jour où le projet avait été aéré et mis en branle, elle avait cessé toute résistance, lorsqu’elle avait  cédé, lorsqu’elle avait presque dit oui avec les lèvres, toute sa personne encore révulsée paniquée démolie. Lui s’était mis à sourire,comme quelques rares fois, en particulier après une explication délicate qu’il avait sollicitée d’elle, qu’il avait suivie avec intensité, hochant de temps à autre la tête comme pour se persuader que tout rentrait bien. Le sourire s’était annoncé d’abord partout ailleurs que sur les lèvres, il colorait légèrement la peau, adoucissait les traits, faisait fondre la gravité. Il lui fallait du temps pour s’imposer, comme s’il avait de la peine à s’extraire des profondeurs, à triompher d’obstacles incertains et invisibles. Il remontait avec lenteur, donnait de l’éclat aux yeux, et lorsqu’il atteignait les lèvres – ces lèvres d’un beau rouge foncé, avec des reflets mauves comme chez certaines gens de couleur – il les faisait s’entrouvrir sur des dents éclatantes, celles des éphèbes de la Grande Grèce que sous leur tête bouclée et leur allure de pâtres on voyait plus proches des dieux que des humains. Ce sourire, c’était comme une offrande faite par Hermès au nom de tous. Elle songeait qu’elle n’avait pas trop quitté son air las, peut-être même fermé, maussade encore, et pourtant à ce moment-là son cœur avait battu comme devant un petit miracle qu’elle avait soigneusement mis en réserve pour plus tard.

          Elle n’osait pas envisager la rentrée – et certes ce début d’août laissait encore du temps pour ces étonnantes vacances où l’enseignement des subtilités d’Internet continuait  à meubler une ou deux heures dans la matinée, sans bousculade ni passion, mais le prétexte initial se respectait avec sérieux – où s’il reprenait ses cours à la fac il déciderait sans doute de terminer avec elle ce contrat d’amitié qui n’aurait plus guère de raison d’être. La privation de sa présence serait alors accablante. Il s’était si vite fait aux rythmes de sa maisonnée à elle qu’il n’y avait pas même eu l’ombre d’un hiatus, d’une gêne, d’un embarras. Même avec Claudie, qui n’avait pourtant pas un caractère si facile, il avait su se rendre indispensable, par des petits gestes d’aide, lui prendre des mains le sac de plastique pour les ordures et l’emporter en sifflotant jusqu’à la poubelle sur le trottoir, ou remontant du sous-sol sa panière pleine de linge repassé – et d’ailleurs, à son retour après son jour de congé, elle trouvait la vaisselle faite, comme s’il voulait non pas se faire oublier mais bien au contraire démontrer qu’il n’était pas une cheville carrée dans un trou rond.

          Peut-être chercherait- il un prétexte pour rester. Oh quel qu’il dût être elle l’accepterait, elle guetterait la formulation embarrassée mais pleine de sens dans laquelle il se lancerait - un soir de septembre où la température aurait été spécialement douce, où ils auraient aimé  l’efficacité de leur après-midi grâce à ces discussions inlassables et toujours passionnées pour lesquelles ils étaient si bien rodés et dont ils partageaient l’aisance et l’entente, le questionneur et la questionnée, l’écrivain qui analysait son écriture et le disciple qui absorbait tout. Ou tout aussi bien ce serait un matin de pluie où la morosité tomberait sur eux, suggérant la dureté de l’hiver à venir et l’incertitude  de l’étudiant sans ressources… D’une manière ou d’une autre il faudrait bien en arriver à discuter du sort de chacun, il faudrait le régler par une décision qui ignorerait la hiérarchie et s’efforcerait de laisser vivre le souvenir de leur compagnonnage  ou, encore mieux, de le laisser survivre et se confirmer. Elle le laisserait prendre l’initiative, mais à peine se serait-il lancé dans ce qu’elle allait guetter avidement qu’elle l’interromprait pour lui éviter l’embarras. Sauf si, évidemment, il marquait fermement son désir de retourner chez sa logeuse où son copain lui aurait gardé la place toute chaude : en ce cas elle ne montrerait pas son chagrin et sa déception, elle le laisserait agir à sa guise.                                                        Elle avait pu s’assurer de l’attachement qu’il avait maintenant pour elle en fonction de petits accès de jalousie qu’il lui réservait parfois, ce qui lui permettait de juger avec satisfaction que la sympathie ne s’était pas seulement renforcée de son côté à elle. Le vendredi, le livreur des produits d’épicerie et des surgelés terminait sa tournée par elle, et sans doute soulagé de se savoir libre une fois le pourboire encaissé mais, tout aussi bien, heureux de montrer qu’il avait le sens de l’humour dès qu’on voulait bien se donner la peine de converser avec lui, il traînait dans la cuisine avec toujours quelque chose à raconter d’où découlait une plaisanterie qu’au lieu de souligner d’une grosse hilarité il glissait dans l’entretien en pince-sans-rire. Elle avait compris cette soif d’appréciation chez ce grand garçon encore imberbe et boutonneux qui lui parlait des livres qu’il lisait, et presque par pitié dès le début elle avait décidé de relever le niveau de ses lectures en lui prêtant des livres qui tenaient debout : il lui en faisait de scrupuleuses analyses dans les semaines qui suivaient, souvent réussissant à placer un trait d’esprit dans ce qu’il considérait comme une tâche salutaire à ne jamais traiter par-dessus la jambe. Et Vuk, qui venait assister à la séance, ne donnait pas son avis ni ne mettait le moindre grain de sel dans ces échanges, mais il jouait visiblement les observateurs ennuyés : silencieux entre les brèves formules de politesse d’entrée et de sortie, l’air d’un surveillant austère et mal disposé, il ne riait jamais quand le livreur couronnait ses dires de quelque plaisanterie dont il attendait grand effet, et de son côté elle devait prendre un air visiblement enjoué afin de ne pas froisser le garçon. Le livreur s’était vite habitué à cette présence hostile, il n’en tenait plus compte, il causait aimablement comme si c’était son petit cadeau hebdomadaire et ce n’était pas sûr qu’il ne traînait pas un peu plus qu’il ne l’avait mis à son programme rien que pour faire bisquer l’autre sans en avoir l’air. Dès qu’il était parti, ils prenaient le thé à la cuisine au milieu des cartons, packs et bouteilles tout juste livrés, Vuk l’aiderait ensuite pour la manutention en lui laissant le rôle de chef de chantier mais en ayant l’air d’avoir gagné une bataille, et elle n’osait jamais lui dire, même pour plaisanter, qu’un de ces jours on pourrait convier le livreur à prendre le thé avec eux.

          Ces traits de gaminerie dont il n’avait sans doute pas conscience la ravissaient, c’était comme si elle l’avait hébergé avec encore des traces d’adolescence à modeler, à finir du pouce, en plus de tout ce bagage culturel dont il était si ouvertement avide. Il avait dû être un petit garçon  un peu éperdu, avec l’air de toujours chercher ses marques, ne se plaignant pas, gardant tout pour lui dans le secret du cœur, sans larmes ni sourires, obsédé par cette vision des grenouilles tranchées vivantes et rejetées à barboter quand il ne leur restait plus que les pattes avant, cette vision d’où il avait puisé son écoeurement des rites du monde. Elle s’était mise à l’aimer pour ce qu’il était, pour ce qu’elle devinait de lui, et peut-être encore plus pour ces réserves insondables qu’il était le seul à connaître ou du moins pressentir, pour ces forces enfouies au fin fond des ténèbres de l’être et qu’il n’avait pas depuis tellement longtemps cherché à démêler pour pouvoir ériger sa stature froidement, en sourdine, à ses propres yeux et jamais au-delà…

          Si elle trouvait l’idée, si elle se lançait, si au bout de quelques semaines elle voyait que la chose allait pouvoir être poussée jusqu’au bout – ou du moins un bon bout plus loin -, qu’en ferait-il, lui, une fois passée la joie de la voir recommencer l’aventure ? Déciderait-il que le but qu’il s’était fixé était atteint, donc qu’il devait la laisser continuer sur son erre en ne se rappelant à son amitié que de temps à autre, histoire de prendre des nouvelles de l’œuvre et de l’écrivain ? Ou au contraire se verrait-il bien à sa place près d’elle, à présent qu’il connaissait avec quelle facilité elle se laissait  déprimer dès que l’écriture ne jaillissait plus – car n’était-ce pas lui qui l’avait replongée dans les affres de la création, imposant sa   croyance en elle par-delà sa mise sur pied d’une sagesse délibérée ?

 

                                                                                                  (à suivre)                                                                                                                                                                                       

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 12:19

 A PROPOS D'UNE VIEILLE DAME

 

          La Vieille Dame indigne, en son temps, avait pu étonner voire faire réfléchir. Indigne en quoi, la vieille dame, puisque, au lieu de thésauriser sou à sou pour constituer un modeste héritage à un neveu ou une nièce qu'elle ne voyait jamais (donc au lieu de se priver de tout petit plaisir hors programme des nécessités basiques) elle dilapide son pécule pour acheter une Deuch  et part à l'aventure explorer le monde avec sa jeune voisine? Certes il ne s'agira pas de courir les continents, mais n'est-ce pas culotté déjà de se décider à ne pas faire ce que la tradition attendait d'elle? dépenser son  argent pour soi-même avec enfin le sentiment qu'elle va pouvoir un peu vivre avant de passer à autre chose? L'attention était pour la première fois attirée sur le droit à disposer de soi même au niveau le plus humble  - c'était peut-être le départ du grand mouvement reconnaissant à l'animal son droit à une vie sans souffrance pour le bénéfice d'autrui, en tout cas cela relevait d'un très semblable changement de lunettes, donc de vision. En quelques décennies les mentalités ont été modifiées à grande vitesse : l'indignité présumée de la  vieille dame aurait sans doute bien de la peine à se faire comprendre de la jeune génération actuelle, au même titre que le choix de sa Deuch...

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17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 11:58

MYTHE DE TARZAN

 

          Je reviens sur les principes à partir desquels fonctionnait le mythe de Tarzan  (qu'on prenait tel, tout élaboré par la pratique de la forêt vierge et sans allusion à un abandon de nouveau-né dans la jungle, d'adoption et d'éducation par les bêtes du lieu, comme par exemple pour Mowgli). Tarzan incarne la beauté de la nature humaine à son maximum,  force, agilité, instinct, bonté - une pureté si fascinante que Jane n'hésite pas à choisir de  vivre avec lui en refusant la civilisation. Dans ce conte la civilisation apparaît telle que le colonialisme la symbolise : présence du blanc depuis des années en terrain conquis pour trouver l'ivoire du fameux cimetière d'éléphants, utilisation des autochtones pour les besognes d'esclaves où ils se révèlent irremplaçables (guides, porteurs, détecteurs de dangers). Cette hiérarchisation de l'espèce humaine entraîne le mépris total de ces aides indispensables : au bivouac, il y a des tentes pour les bwanas, la troupe des porteurs se contente d'un abri collectif en plein air. La perte d'un porteur (chute, accident, noyade...) n'est évaluée que par la perte de son fardeau, aucune réaction sensible ni souci de traiter dignement les cadavres. Et le fouet est là pour calmer les velléités de fuite des porteurs terrorisés par le scrupule religieux, le fusil étant la réponse immédiate à toute cause d'inquiétude (et recours vicieux à l'instinct de destruction, par exemple avec cette fusillade dans le troupeau d'hippopotames en train de se baigner). Et Jane ne peut réaliser son destin qu'après la mort du père et le retrait du prétendant, traditionnellement les deux freins à la liberté des jeunes filles. Le contexte colonialiste est une donnée de base dans l'histoire, comme le kéfieh et l'air fourbe des Arabes dans Tintin constituent la vision d'Hergé acceptée sans problème : nulle question de  montrer au doigt pareilles conceptions, l'heure n'est pas venue encore de dénoncer leur monstruosité, on suppose seulement, dans une affabulation chimérique, qu'il y a peut-être là quelque chose qui gêne.

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