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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 08:43

         Je ne sais pas si Kelly Reichardt a fait ou fera école : j’imagine que sa Dernière Piste  n’a pas été ignorée des amateurs de beau, mais il faudrait son talent singulier pour suivre cette voie. Je crois en tout cas que la page des Westerns est tournée. Il y a eu leur enfance, leur explosion en tous sens, leurs thèmes pieusement repris, leurs acteurs consacrés, leurs décors toujours admirables, bref le mythe de l’Ouest et tout ce qui pouvait s’y rattacher de près ou de loin. Il y a eu aussi leur crépuscule, l’éclatement des légendes autour de Pat  Garret  et du Kid, les traitements historiques, les traitements ironiques, la condamnation de la violence après en avoir prôné la beauté, la mise en lumière de la veulerie des populations, l’effondrement progressif du mythe face à la civilisation qui gagne le terrain conquis par le courage solitaire…Tout cela, en outre, soutenu par des partitions musicales – Tiomkin et Compagnie, ou encore Morricone sur le tard – dont les airs nous sont familiers voire emblématiques. Par ce biais de la musique, justement, je crois qu’une ère nouvelle s’annonce pour le western : l’accompagnement de La Dernière Piste est constitué de musique sérielle, éloignée au maximum de la chanson à faire galoper les chevaux, cherchant à déconcerter par l’absence de mélodie, de rythme, d’associations familières, d’enchaînements, autant que par les sons inattendus qui soulignent les atmosphères non explicitées ou les émotions inexprimées. Un renouvellement total, donc – qui restera peut-être comme un unicum, sans postérité comme l’a été Hell’s a-poppin’ , à cause même de cette originalité intrinsèque. Bon. J’ai compris. Je ne vous  reparlerai plus de La Dernière Piste.          

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12 mars 2013 2 12 /03 /mars /2013 08:15

         Je me sens habitée par les atmosphères, les couleurs, les rythmes si lents de La Dernière  Piste. J’ai été surprise – et enchantée – que le récit ne s’achève pas pour apaiser toutes les angoisses des spectateurs (ou alors on peut reconstituer son aboutissement si on y tient, puisque cette odyssée tragique a historiquement connu une fin heureuse  -  dans la mesure où on peut appeler une fin heureuse le retour vers la civilisation). C’était vraiment un épisode conçu comme une peinture :  pas d’entrée en matière, pas de suspens, simplement le déroulement immobile de journées d’épreuves interminables sans le moindre soutien de l’espoir, sans l’ouverture vers le moindre éclaircissement de l’horizon , le tout figé sans commencement ni fin comme un tableau. Je repense à cette distance des femmes qui ne se tutoient pas, à cette résignation de la foi qui demande au Seigneur de bénir le repas alors qu’il n’y a plus rien à se mettre sous la dent, à cette dignité des hommes renonçant à céder à la fascination de l’or trouvé par hasard puisque l’or ne se boit pas et qu’ils ont seulement soif…J’ai sans doute à me faire pardonner cet engouement pour un film annoncé sans grand bruit – le pardon me sera facilement accordé si dans les jours qui viennent, vous qui avez manqué La Dernière Piste à sa projection en prime time, vous vous arrangez pour voir le film dans sa programmation en boucle : je serais désolée, mes belins-belines, et déçue, si vous n’étiez pas séduits à votre tour.

 

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11 mars 2013 1 11 /03 /mars /2013 08:27

         Cette Dernière Piste, avec sa modestie et ses silences, m’a tout l’air de pouvoir devenir un chef d’œuvre célébré quand elle sera mieux connue. Les paysages sont essentiellement des ciels : à l’aurore où on reprend la marche, à la nuit où à la lueur des lanternes on fait le travail de la journée qu’a empêché la progression obstinée (on répare les essieux cassés, on mange, si peu qu’on ait à manger) ou encore dans le crépuscule des derniers efforts, les teintes crues, blessantes, de la lumière situent la tonalité du récit. La terre craquelée, blanchie par un soleil de plomb, prend des couleurs hostiles qu’on ne voit jamais dans les westerns « ordinaires » : il y a ici à la fois le  scrupuleux respect de la vérité et sa transformation poétique, un peu à la manière dont la poésie se pratiquait dans les peintures des Le Nain, sourdant irrépressiblement du naturalisme. Les allures des femmes - mains noires, visage sale, vêtements fripés – serrent le cœur mais ne recherchent pas la pitié, de même que la femme enceinte dont on ne saura jamais si le bébé verra le jour. Surtout, bouleversant, le dialogue impossible entre ces pionniers qui ignorent tout des Indiens – nom de la tribu, mœurs, dispositions envers les Blancs – et cet Indien dont chaque rare prise de parole est plutôt une incantation, face au ciel plein de nuages comme s’il appelait la pluie, face à un pionnier qui vient de s’évanouir comme s’il entonnait un rituel funèbre, face à l’horizon sans limite vers lequel, devenu malgré lui chef du convoi, il va se diriger tout droit. Et que la compréhension et l’humanité de la femme triomphent dans le destin de ce groupe éperdu me paraît une jolie célébration pour la Journée du 8 mars.

 

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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 09:07

         Il pleut des westerns en ce moment, et je ne vais certainement pas m’en plaindre. Revoir une énième fois les anciens, les classiques, les archi-revus, les inépuisables, c’est toujours un plaisir. Mais en outre quand l’occasion nous est donnée de découvrir un (ou une)     jeune réalisateur pour prendre la relève des John Ford, Hathaway, Delmer Daves et compagnie, vous imaginez bien que ce n’est pas le moment de bouder. De manière fort inattendue mercredi soir j’ai ajouté à ma collection un nom féminin, Kelly Reichardt, en le rattachant à une réalisation étonnante, originale et forte, qui offre un aperçu du destin des pionnières dans la marche vers l’Ouest des émigrants américains en leur donnant voix pour la première fois. Certes on avait déjà vu les sacrifices des femmes  jetant sur la piste, pour alléger les chariots, la pendule ou la boîte à musique conservée jusque là en souvenir de la vie d’avant ; ici aussi on voit l’abandon du rocking-chair qui se brise dans sa chute, mais dans la parcimonie des répliques, dans la lenteur des réactions, l’opinion des femmes se fait entendre, et de manière finalement décisive. Le traitement  du récit est simple jusqu’à l’épure :trois familles avec leurs trois chariots ont été trompées par un guide incompétent qui a égaré le convoi loin de toute rivière ou de toute piste. La faim, la soif, la fatigue, la peur accablent le groupe, auquel se joint, capturé parce qu’il était seul    et sans méfiance, un Indien sans plume et peut-être sans hostilité dont la présence insolite va amener les femmes à réfléchir pour remplacer le jugement défaillant des hommes. Pas d’anecdotes, pas d’incidents : même à la fin le convoi va suivre l’Indien devenu guide qui s’enfonce vers l’horizon, mais on ne sait s’ils vont vers le salut, l’eau, la fin des épreuves ou s’ils vont s’engloutir dans le paysage sans bornes.

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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 08:40

 

 

         Ce décor minéral, incroyable, presque inventé pour les besoins de la cause, confère dès sa première utilisation (donc, dans Stage Coach, autrement dit La Chevauchée fantastique)  non seulement aux images du film mais encore à cette portion de l’intrigue qui est diligence lancée en un galop infernal (avec flèches qui volent de tous côtés, tension hystérique des poursuivis et des poursuivants, chevaux qui s’abattent avec leurs cavaliers emplumés)/, un sens totalement dépourvu de gratuité. En contraste avec cette immensité onirique frénétiquement parcourue dans les échanges de coups mortels, cette cellule ballottée mais close où se retrouvent les échantillons marquants du genre humain : les renégats que chassent les ligues de moralité (médecin ivrogne, fille de joie, repris de justice), les bourgeois arrogants (le banquier en fuite avec la caisse, la hautaine épouse  d’officier qui vient d’accoucher, le Sudiste qui vit d’escroqueries) et puis au milieu de tout cela l’homme moyen, le citoyen Lambda un peu ridicule, qui se laisse dépouiller sans protester mais qui intervient toujours pour rappeler les autres au sens de la dignité). Que cette leçon morale à la Capra (puisqu’on reconnaît in fine la compétence du docteur, le dévouement de la fille de joie, l’innocence du détenu auquel on enlève bien facilement les menottes) couronne le film avec un optimisme déclaré et se détache sur la beauté étonnante de la nature sauvage fournit tout simplement le schéma du western à venir : il sera parfois coloré de tragique mais toujours la présence du décor grandiose et écrasant ramènera les problèmes des humains à leur véritable dimension. En gros, le mythe du western est déjà fixé.

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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 08:54

                   La première fois que j’ai vu La Chevauchée fantastique, c’était au ciné-club, à l’époque où arrivaient en foule en Europe les films sortis aux Etats-Unis pendant la guerre ou quelques années plus tôt. Je n’imaginais pas alors que j’irais voir de mes yeux Monument Valley et que l’impression en serait ineffaçable, mais je comprends parfaitement que John Ford en ait été marqué au point  d’y situer l’action de neuf de ses westerns. Je conserve sottement un petit flacon de ce sable rouge que j’ai récolté moi-même après avoir quitté la route pour m’avancer jusqu’au pied de ces blocs incroyables, et tout aussi sottement je le chéris davantage que les minuscules paysages colorés réalisés par les Indiens des lieux dans leurs fioles en verre. Le mythe de l’Ouest - conquête, batailles, attaques, luttes intestines, militaires dans leurs forts avec leurs familles – a sans doute été fixé par ce choix d’un décor aussi surréaliste, et il est de fait que pour situer une épopée tellement unique dont le cinéma  allait donner des centaines (peut-être même, en comptant les séries B, des milliers d’illustrations aux tonalités, intrigues et convictions totalement diversifiées), il convenait d’offrir ce décor unique, typé, aussi sui generis que la baie d’Along ou le temple d’Angkor-Vat. Mais ni la baie d’Along ni Angkor-Vat n’ont encore trouvé leur John Ford… Ne manquez pas cette première réalisation de film parlant : un coup de maître, et pas seulement d’ailleurs pour le décor…

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6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 08:53

         C’est sans doute dans le louable souci de signaler la présence de tout le monde qu’on publie, se déroulant pendant de longues minutes sur l’écran sans même qu’on puisse retenir de qui il s’agit, l’interminable liste des participants à la réalisation du film. Qu’on mentionne le dresseur des chiens ou des chevaux qui ont joué un rôle éminent dans l’histoire, d’accord : c’est le résultat de son adresse, de son savoir-faire avec les animaux, qui a permis la réussite de certaines séquences Qu’on signale également les noms des cascadeurs qui ont, soit réglé les cascades, soit carrément remplacé les acteurs dans les épisodes dangereux, bagarres, chutes, poursuites en voitures lancées « à fond la caisse » et sur des itinéraires époustouflants : ce n’est que justice. Qu’on remercie aimablement le pianiste qui a doublé l’acteur, lequel avec l’air inspiré s’est contenté des mouvements d’épaules et de coudes adéquats, rien de plus normal. Il y a là des participations en quelque sorte esthétiques à une oeuvre d’art et je suis la première à applaudir qu’on ne les passe pas sous silence. Mais tout de même quand on vous détaille la fonction de chaque preneur de son ou d’image, de chaque éclairagiste, de chaque chauffeur, de chaque costumière ou essayeuse !... Ils sont payés pour leur travail, tous ces gens-là, ils n’ont pas à être inscrits au tableau d’honneur. Et que dire, mes belins-belines, quand on nous livre le nom des traiteurs qui ont nourri l’équipe de tournage pendant tout le temps qu’elle a fonctionné ? Il y a peut-être là une exigence des divers syndicats à laquelle il est impossible de se dérober, mais tout de même… Tout de même !

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 08:36

Sans doute avez-vous été frappés comme moi, mes belins-belines, par l’absence de sobriété des génériques de films ou même de séries qui nous sont imposés après représentation. Autrefois, dans le cinéma de papa donc avant-guerre, un film durait 1heure20, à la rigueur 1h30 minutes  - exception faite pour les « monstres » signalés à son de trompe, aussi bien Les Enfants du Paradis que « Autant en emporte le vent, ou encore Les Misérables (le premier, le seul beau, le seul vrai, le seul fidèle) en quatre ou cinq épisodes pour réussir à tout loger. Vous vous rappelez donc qu’en une heure et demie on avait amplement le temps de présenter une histoire avec tous ses développements psychologiques et sentimentaux, et le générique de fin se contentait de rappeler le nom des acteurs. Il y avait, bien sûr, des tas d’artisans du film qui restaient dans l’ombre. A la rigueur on connaissait le réalisateur, les dialoguistes et les scénaristes, le responsable de la musique,  peut-être même les responsables des décors et de la photographie. Mais on n’allait guère au-delà, et c’étaient surtout les accros du cinoche genre ciné-club qui retenaient ces noms : autrement, la mention qui les signalait filait à toute allure sur l’écran pressé d’en finir et c’était tout à fait exceptionnel qu’on vous signalât (oui : signalât) quel coiffeur s’était occupé des cheveux de l’actrice principale et quelle esthéticienne de son maquillage. De nos jours, enfin, ce type de déplorable oubli, d’abominable négligence, est réparé, et amplement, généreusement réparé.

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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 08:21

            Je ne sais ce qui m’a donné le plus d’émotion samedi matin. Je me suis retrouvée devant un groupe de dames intéressées par la lecture et la littérature afin de leur parler du Miel de l’Aube, qu’elles avaient toutes déjà lu ou étaient en train de lire. Et c’est toujours un peu émouvant pour moi de parler de cette époque, mon adolescence et ma découverte de l’Histoire, de la douleur, de la mort coïncidant avec ces cinq années qui se sont appelées Guerre puis Occupation, avant mes dix-huit ans qui s’appelaient Libération. Mais en outre, sans que les souvenirs de ces dames fussent semblables aux miens (elles étaient toutes nettement plus jeunes que moi), je les ai senties toutes pleines de l’atmosphère de ces années tragiques. Leurs souvenirs étaient sans doute ceux de leur toute petite enfance, qui n’avait pas retenu les détails mais était parfaitement sensible aux atmosphères, tristesse, tension, gravité de la famille. Et puis on leur avait parlé sans réserve de ces temps-là, elles étaient bien préparées à écouter les commentaires que j’ai pu faire pour elles. Sur la mémoire et l’imagination, sur le caractère totalement subjectif de la mémoire personnelle, sur la manière, aussi (et j’y tenais beaucoup) de transmuer en écrit, donc en matière littéraire, toutes ces strates de souvenirs et d’émotions entassées dans le silence à travers l’expérience des années... Et puis j’étais un peu remuée aussi par la confiance de pareil public, qui était venu pour m’écouter, qui m’écoutait en buvant mes paroles, qui ensuite m’a exprimé son plaisir de ces deux heures passées ensemble. Ce sont des moments de ce type qui vous font aimer l’existence…

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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 15:17

         Par l’arrangement des occasions, il s’est trouvé qu’il y a quelques mois j’ai découvert les enquêtes du Commissaire Nicolas Le Floch. J’en ai lu avec plaisir deux ou trois volumes : je trouvais fort astucieux qu’on eût situé ces enquêtes administratives (déjà audacieusement appuyées sur l’autopsie pratiquée en secret ainsi que sur un raisonnement approfondi des circonstances du crime) en plein dix-huitième siècle, en tâchant de conserver la tension qui a cours dans le cadre des investigations de notre temps même si le contexte s’y prêtait beaucoup moins par définition. Car le cadre par ailleurs apportait sa richesse historique, contact avec les grands de ce monde qui avaient laissé leur nom et leur trace dans le destin de la France, affaires en apparence crapuleuses où l’arrière-plan politique finissait par dominer… : la reconstitution d’un monde disparu a toujours été un élément supplémentaire d’intérêt dans le déroulement d’une histoire, surtout une histoire criminelle. Et j’admirais en outre l’astuce du romancier pour se choisir un créneau inépuisable, puisque après Louis XV et Sartine il y avait Louis XVI et Vergennes, puis la Révolution, puis le Directoire, puis l’Empire : à partir d’un schéma dramatique  éprouvé, il n’y avait nulle raison de s’arrêter tant que le Commissaire Le Floch était en vie et en pleine activité. J’ai épuisé en trois histoires l’intérêt que me réservaient ces récits : point trop n’en faut et l’abondance en la matière risque de s’appeler surabondance et de lasser. Le passage à la télé en série nationale au décor brillamment reconstitué n’a pas servi l’entreprise. Les deux épisodes que j’ai vus (l’un d’eux hier soir, et pas jusqu’au bout tant je m’ennuyais) ont mis en lumière tous les défauts qu’on passait au roman : style ampoulé faussement d’époque articulé avec préciosité, dilution de l’intrigue par le saucissonnage voulu d’épisodes graveleux, pléthore d’engagements à l’épée souvent interminables à l’écran… Bref, fini pour moi le secteur Le Floch, à l’image comme en noir sur blanc. Mais naturellement, mes belins-belines, ce que j’en dis…

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