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4 avril 2009 6 04 /04 /avril /2009 13:03
     Tel quel, il ne veut rien dire, ce titre. Non que je cherche absolument à donner avec chaque titre un aperçu fût-il sommaire du thème choisi pour la journée (choisi par moi, bien sûr, jusqu'à présent : que n'ajoutez-vous votre piment, belins-belines, à mes propositions épuisables et vite épuisées, de manière à redonner un sang neuf à une entreprise que vous trouvez sans doute brinqueballante? Tant pis pour vous, je me tue à vous le répéter : si vous voulez que ça change, faites-vous entendre), car j'ai un peu trop l'impression, une fois le titre apposé dans sa petite case et dominant le déroulement de tout le texte, de me trouver encagée. Oui, ligotée de poignets (dans le dos) et de chevilles pour enrayer toute tentative d'évasion. Et avec, en plus, le caractère docile dont la nature m'a pourvue, la tentative d'évasion devient idée fixe, prurit d'écriture, obscurcissement de tout ce qui n'est pas effort pour regagner la liberté mise en danger. Dans ces conditions, vous voyez bien que je devrais renoncer à mes pataugeages, même s'ils vous enchantent jour après jour. Donc, si lâchement que je décide en fin de compte de les traiter, les thèmes annoncés là-haut doivent tout de même servir à quelque chose. Formes... ça veut en dire, des choses! Même si on se limite au domaine littéraire - ce qui correspond à mon dessein profond - on peut tirer le mot dans toutes les directions. Un peu de flemme peut-être, aujourd'hui? C'est samedi, la fin d'une lourde semaine, et avec le dimanche qui se profile derrière et où le travail sera le même pour moi, mes belins-belines (même si de votre côté ce doit être le farniente et la fantaisie d'emploi du temps, tant mieux pour vous), la flemme est pardonnable. Vous me pardonnerez donc de ne pas tirer le mot dans toutes les directions, de me contenter de rester dans le strict territoire où il s'oppose au fond dans toutes les analyses scolaires qui triturent jusqu'au pire traitement la chair des textes (on m'avait dit une fois qu'on ne comprenait pas pourquoi des enfants si vifs, si éveillés, si doués pour le théâtre en entrant en Sixième, devenaient si éteints, si amorphes, si passifs en deux ou trois ans devant les textes dramatiques ...Parbleu! six mois de commentaires de textes selon la théorie sont bien suffisants pour parvenir au même résultat : croyez-moi, je sais ce dont je parle). La flemme aidant, donc, on va pour aujourd'hui prendre le mot non dans son sens gramatical (forme négative, interrogative, affirmative - et progressive chez Albion, et fréquentative : je ne me consolerai jamais de ne pas les avoir à ma disposition en français, ce n'est pas une compensation que d'avoir indûment la forme active et la forme passive puisque ce sont des voix),  mais bien dans son sens de catégorie littéraire. Je devrais dire genre, je le sais bien, mais les développements attendront demain, j'ai déjà dévoré mon espace, je me sens ligotée chaque fois que je m'élance, c'est vrai qu'il me faut le temps de faire chauffer le moteur mais une fois lancée je me heurte aux bornes de la durée.    Cela m'irrite et me met de mauvaise humeur. A demain pour les genres, bonsoir les minous, dormez bien. Lucette Desvignes.
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3 avril 2009 5 03 /04 /avril /2009 18:50

     Vous connaissez sans doute déjà la sensation  - pas drôle, oh que non - d'être coincé sous un rouleau compresseur, sans espoir de salut autre que son écrasement (et pour écraser les cailloux, il se pose un peu là : des gros cailloux il va faire de moyens graviers, puis de menus morceaux, ce qui pourrait vous faire passer aux expressions imagées du Chat botté : "vous réduire en chair à pâté" - bien beau la littérature, mes belins-belines, mais quand c'est vous qui êtes sous le rouleau-compresseur, hein, qu'est-ce que vous dites? Eh bien moi ce soir, je ne vous le cache pas, je suis dessous - priez bien, si vous savez faire auprès de quelqu'un d'efficace, que j'en ressorte à peu près entière pour pouvoir continuer ma tâche. Qu'est-ce que vous voulez, j'en fais trop, aussi! On me dit de tous les côtés : "Allez-y doucement, faut pas pousser le bouchon trop loin" - manière de me laisser entendre que je passerai pas le week-end, hein? Eh ben on se trompe, mes belins-belines. Mais tout à coup un doute me vient. Je compte sans doute parmi les foules qui me lisent ou m'écoutent des belins-belines pas forcément de ma génération, elle qui savait ce que c'était qu'un rouleau compresseur. Eux ne savent sans doute pas, alors je m'explique : le rouleau compresseur, c'est, comme le moulin à café ou la lessiveuse en zinc l'étaient pour la ménagère à la même époque, le symbole de la mécanique des Ponts-et-Chaussées du XXème s'épanouissant (à peine après les Années folles qui rugissaient, comme on disait chez Albion). Je crois qu'il marchait à la vapeur, en tout cas il faisait un bruit effroyable quand il écrasait les cailloux, c'est-à-dire avant de les arroser de goudron et alors il produisait des odeurs effroyables.Il fallait voir le conducteur sur sa machine, quand il paralysait des files de voitures avant de leur laisser le passage sur une portion toute fraîche où le jus noir collait sur la carrosserie, poétiquement transporté par les gravillons volages (des files de voitures, oui - elles étaient peu nombreuses à l'époque, mais les travaux routiers duraient si longtemps que des files avaient le temps de se former; certains conducteurs insultaient le cantonnier au passage, une fois le passage accordé, mais il prenait de ces allures d'empereur romain qui décourageaient les plus rancuniers). J'en parle d'ailleurs volontiers dans mes souvenirs d'enfance et de jeunesse, je vous assure que cela vous marque une conscience d'enfant de croiser un rouleau compresseur sur son chemin. Vous avez bien compris tout de même que ce soir ce n'est pas un vrai rouleau compresseur qui cherche à me repasser à plate couture : symbole, symbole, qu'est-ce qu'on ferait bien dans le vie sans les symboles? Pourtant je me sens raplapla (sinon plate, malheureusement) parce que broyée par les impératifs de mon agenda. Il n'avait pas pensé à ces impératifs-là, Kant, hein? C'est pourquoi il pouvait parler des siens si sereinement. Moi ce soir la sérénité connais pas! Tout juste si je pense à vous dire de saluer les vôtres et ceux du voisin.

                                                                                                        Lucette DESVIGNES.

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2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 14:47

     Oui, mes belins-belines, déception pour moi! Je m'imaginais avoir à ma disposition un beau sujet pour la causerie de ce jour, suite de la veille puisque je vous avais annoncé un petit cadeau mais tout de même continuation d'une lancée première. Déception! Je vous ai déjà fait ce cadeau puisque nous étions hier le 1er avril et que je n'ai pas manqué à la tradition. Ne croyez pas tout de même que d'un jour à l'autre je perde la boule, ou que mes idées soient si fumeuses que je ne sache plus si oui ou non je les ai déjà exprimées. Rien de tout ça, je vous prie bien de me croire! C'est seulement que je vis tellement avec vous, mes belins-belines, que votre idée ne me quitte guère  et que, sans arrêt songeant à vous gâter par le soin extrême avec lequel je choisis mes sujets d'entretiens, je ne sais plus toujours nettement si je suis passée à l'exécution de tout ce qui bouillonne en dedans de moi et prend forme écrite. La même chose - ô combien dommageable! - se produit au niveau de ma correspondance. J'ai en tête tout plein de réponses s'étageant de pressées à urgentes et plus qu'urgentes, s'écrivant mentalement de A à Z (oui, j'entends bien, de l'en-tête "Mon cher Ami" à la conclusion "Et croyez moi tout à vous", avec des variantes naturellement : ainsi, quand j'écris à une de nos têtes dirigeantes - ça m'arrive hélas souvent, trop souvent - mâle ou femelle je me garde bien de leur dire "Croyez-moi tout à vous", j'ai recours à des termes infiniment plus raides, c 'est sans danger peut-être, car elles font toutes comme vous, ces têtes dirigeantes, elles ne me lisent pas). Oui, j'en ai tout plein la tête (la mienne, non point dirigeante bou diou non, mais pensante, comme dirait Pascal, même si elle n'est qu'un roseau), et je fais volontiers comme Napoléon : j'en prends une puis je l'interromps, je reprends la deuxième mais je bloque, alors je repasse à une encore inachevée et je lui mets son point final, puis je continue jusqu'à exinction des feux - ça gagne du temps ou du moins ça devrait, mais l'inconvénient majeur est que quand vous avez travaillé sur une de ces lettres, quand vous avez buté sur une difficulté et que vous vous êtes dûment évertuée à en triompher, la missive a une telle présence en vous que vous ne savez plus si elle a réellement été faite ou rêvée - quant à savoir si vous avez mis le tout sous enveloppe avec un timbre et la bonne adresse (pas de timbre pour Monsieur le Président de la République, non, pas besoin - cette diminution des frais ça permet la récidive) c'est encore une autre paire de manches.

     Allons bon!Voilà que je vous ai entretenus, bien sans le vouloir soyez-en sûrs, de la manière d'élaborer ma correspondance et au fond ça ne vous regarde pas du tout. Mais finalement c'est de la même manière que j'élabore mes entretiens avec vous, petits gâtés qui ne savent pas combien... Donc je n'ai pas perdu mon temps ni surtout le vôtre, et j'ai même failli traiter un sujet. Avec un peu de chance, je le traiterai demain. Traitez vos chats le plus tendrement possible, vous. A demain.

                                                                                                       Lucette DESVIGNES.

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1 avril 2009 3 01 /04 /avril /2009 19:57

     Je vous l'ai promis hier, je vous le donne aujourd'hui. Chose promise, chose due : c'est ce qu'on m'a toujours enseigné chez moi, même si mon père se faisait tirer l'oreille pour allouer la pièce de dix francs mensuelle - en argent, avec une Marianne rigide qui ne semait pas - sous prétexte que "le Béarnais était pauvre". C'est par rapport à mes propos sur le convenable et le pas convenable. Je cite dès maintenant, de crainte de devoir m'arrêter au milieu du texte (c'est une mère de famille plus qu'un tantinet bouchée qui visite Pompéi; son gamin, intéressé seulement par les bêtes de rencontre, l'empêche de voir le lupanar, ce qu'elle regrette, mais le mari lui dit qu'il n'y avait vraiment rien  à voir dans ces ruines)."Et vraiment qu'est-ce que c'était bien, du lupanar sans les tentures les velours les petits napperons les guéridons, sans les grands lits avec les miroirs au plafond? Déjà que vous vous les représentiez comme si vous aviez connu ça toute votre vie mais enfin la Télé c'était bien instructif au fond, d'où donc connaîtriez-vous les miroirs au plafond les tentures en velours les pianos mécaniques, tout, quoi, sinon de la Télé, qu'autrefois ils vous mettaient un carré blanc pour un oui pour un non et que maintenant vous vous lanciez en famille dans une histoire toute innocente et tout d'un coup pouf! ah pauvre ami, des horreurs - qu'il ne vous restait plus qu'à envoyer en vitesse le gamin vous chercher vos pantoufles sur le rayon du haut de la penderie de votre chambre, et qu'il prenne une chaise surtout et attention de ne pas tomber, qu'il prenne bien son temps! Vos pantoufles, vous les aviez aux pieds à vrai dire, mais le gamin trottait toujours vaillamment, il ne comprenait rien à rien ce pauvre innocent et heureusement que c'était le cas." (La Chienne de Pompéi, in Affaires de Familles P.39). Vous voyez, je vous donne la référence du bouquin, d'une part pour bien prouver que je n'invente rien, c'est déjà moi qui ai écrit ça il y a des années, et d'autre part, on ne sait jamais, si ça vous faisait envie de connaître ce qu'il lui arrive, à cette bonne femme, ou à son fils qui ne s'intéresse qu'aux bêtes de rencontre, hein, si des fois?
          Bon. Tout ça, à cheval sur deux jours, pour me justifier d'écrire toujours du convenable - vous voyez bien : même pour parler de lupanar, de carré blanc, ou des horreurs de la Télé offertes à n'importe qui qui s'est installé devant le petit écran, vous pouvez au passage reconnaître la délicatesse, celle des termes, celle du récit, bref celle de l'auteur de ces lignes. Vous comprenez donc que je puisse me situer aux antipodes des Catherine Millet de tous les temps (mais celles de notre temps sont quand même spécialement gratinées). Je pense à un commentaire qui m'a été rapporté sur l'une de mes grands-mères, qui jugeait sévèrement sa belle-mère (ça se passait pendant leur jeunesse), laquelle, au cours d'une danse folklorique autour du feu de la Saint-Jean, avait laissé s'envoler sa jupe de manière à montrer jusqu'à la moitié de son mollet : "Du dévergondage, ça, rien autre!". A noter - c'est peut-être là que gît le lièvre, mais je ne me charge pas d'expliciter la formule et son emploi - que c'est la belle-fille qui condamne les déportements de la belle-mère, ce qui constitue un renversement des rôles assez inattendu. Vous voilà désormais convaincus, mes belins-belines, par l'expostion de toutes ces preuves, anecdotiques, familiales ou syntactiques, de mon absolue honnêteté en matière de ce qui convient. D'ailleurs tout ce développement est né de mon désir de me justifier, à partir d'un mot que j'avais employé comme ça, au détour d'une phrase - le mot convenable - dans un sens tout différent. Où le désir de précision ne finit-il pas par vous emmener, tout de même? Oups! C'est l'heure, c'est le bout, c'est la fin! A demain, les chats d'abord., bien sûr.

                                                                                                                                                     Lucette DESVIGNES;

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31 mars 2009 2 31 /03 /mars /2009 10:17

     J'ai beau convoquer mon cher Debussy (je réserve "mon cher X "à quelques précieuses sources de jouissance à compter sur les doigts de la main : Marivaux, Debussy, Ravel, Fauré, Schubert, Brahms, Prokofiev, Janacek, Chostakovitch, Claude Simon, Garcia Marquès, Faulkner - boufre! ça fait douze, tant pis, je continue avec deux orteils mais pas trois) pour trouver une qualité musicale fraîche et liquide afin de vous séduire ce matin dès les premiers mots, mes belins-belines :  ça ne marche pas. Et pourtant le printemps est là, il frappe à la porte, le soleil se met de la partie, mon forsythia blanc est tout en fleur (les jaunes aussi, bien sûr, ça vous tire l'oeil de tous les côtés, tout le monde en a, mais du forsythia blanc, hein? qui donc en a à part moi? même qu'il est si malingre que  je me demande toujours s'il va survivre jusqu'à la saison prochaine, et son parfum garanti enivrant a du mal à se répandre au-delà des quelques centimères que vous installez entre ses fleurs et votre nez). On se sent tout ragaillardi, et précisément mes belins-belines, j'aurais bien plutôt envie de vous jouer le grand air de l'école buissonnière aujourd'hui que de m'appliquer à vous trouver un sujet convenable.

     Convenable... entendons nous bien! Vous n'avez encore rien trouvé de choquant, n'est-ce pas, dans mes propos? pas de mots grossiers? pas d'injures? pas d'allusions scabreuses? (je me demande bien d'ailleurs pourquoi ça se passerait comme ça au niveau de mon blog, auquel j'apporte tous mes soins, alors qu'on a déjà reconnu que dans mes romans je pouvais évoquer de fiévreuses et emportées heures de passion voire de sensualité sans employer un seul mot vert: c'est vrai, je ne suis pas Catherine Millet mes belins-belines, tant pis pour mon compte en banque,  ce que j'écris me rapporte moins que les gros succès de librairie dûs aux sujets abordés et traités en détail - et pas les détails de l'Histoire, ceux-là -, j'entends, le croustillant dont la télé nous gorge. Je n'exagère pas : combien de fois vous êtes-vous installés devant un spectacle apparemment sans relief ni casse-tête pour vous retrouver tout d'un coup en plein torride, comme disent les journalistes avec esprit, sans savoir comment c'est arrivé mais bou diou ça dure, ça dure, les bruits les gestes les variantes les morphologies, tout, je vous dis, tout, on vous donne tout à voir et à entendre, et c'est gratuit en plus, si les bonnes soeurs sont devant leurs étranges lucarnes elles vont en apprendre, des choses, sur la nature humaine!).Je ne vais pas vous citer ces pages dont j'ai parlé plus haut, vous n'avez qu'à prendre vos livres (les miens, je veux dire) et vous plonger dans la lecture, vous trouverez sans peine. Mais ce dont je voudrais vous faire cadeau, c'est quelque chose que je vous réserve pour demain. Plus la place suffisante en effet, avec ce panneau jaune "Publier l'article" qui me menace même quand je ne l'aperçois que du coin de l'oeil. Non, c'est râpé pour aujourd'hui. Mais pour demain, tous les espoirs sont permis. Alors ce sera une bonne farce - premier avril oblige. Ce sera un passage d'une nouvelle qui décrira l'effet sur une famille en train de regarder la télé lorsqu'une de ces scènes croustillantes se te vous bombarde , paf! au milieu d'une médiocrité bien rassurante (et trompeuse, mes belins-belines). Demain, donc, un petit cadeau. J'espère que vous apprécierez. Autour de moi c'est toujours bien passé, donc pourquoi pas avec vous? A demain, c'est dans "La chienne de Pompéi", pas de chats, tant pis!

                                                                                                              Lucette DESVIGNES

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30 mars 2009 1 30 /03 /mars /2009 09:52

     Bon. On attaque, si bien sûr vous avez prêté attention à mes avertissements d'hier (sans frais d'abord : c'est après que l'amende tombe). Vous êtes donc soit ici, résolus à me manifester un peu plus de respect et d'intérêt (parce que vous avez enfin compris tout ce que je vous apportais d'utile, aux uns et aux autres), soit ailleurs, me laissant à mon destin solitaire et nous ignorant, moi et mes efforts, superbement : donc soit vous êtes en mesure de suivre, soit vous êtes en dehors de mon orbite et du coup je retrouve ma liberté pleine et entière. On va donc pouvoir avancer quelque peu, moi en tête comme de juste, vous derrière (et tâchez de faire silence et de ne pas demander des renseignements aux copines : si vous n'avez pas bien compris, un mot, une phrase, la portée générale de ce que je développe, il n'y a qu'à moi que vous devez vous adresser. Vous levez la main, c'est bien facile, je m'interromps, je vous renseigne aussitôt. Rien de plus simple et ça se passe en silence et sans désordre).

     Le personnage une fois défini comme l'attrait essentiel de l'histoire (soit seul, soit en couple, avec ou sans fissure entre ses deux éléments constitutifs) doit être entouré de figures variées qui n'ont pas besoin d'être définies plus concrètement que lui, en ce qui concerne leurs couleurs d'yeux ou de barbe. Ces détails-là, n'étant pas des détails de l'Histoire comme on l'entend dire parfois, sont sans importance. Seules comptent la sympathie ou la complicité dont ils l'entourent : ces accompagnements affectifs plus ou moins développés vont permettre au personnage d'exposer des aspects de sa personnalité qu'on n'aurait pas connus par la simple représentation du couple. Ainsi la réserve de Marrain vis-à-vis de la Mère dont il craint un peu l'attitude de froideur envers Jeanne l'entraîne à un comportement spécialement précautionneux  qui colore et nuance la scène de présentation de l'une à l'autre; il y aura toujours chez lui, sauf à partir de la rupture avec sa famille, un embarras qu'il tâchera de dissimuler mais qui restera comme un frein dans ses effusions. Au contraire, avec le Père une fois qu'il sera au courant de la parenthèse avec Antoinette, va se développer une entente secrète qui leur apportera une certaine jovialité, car ils partageront un secret de gaillardise propre à les faire sourire et se sourire. De même, pour affiner les comportements de Jeanne, sa merveilleuse complicité avec son père - jusque dans leurs options philosophiques - tout heureux de deviner que sa passion pour Marrain est sans limite. Ainsi cet entourage familial servant d'arrière-plan au personnage, soit dans son individualité, soit pris comme couple,    ajoute comme une frange de précisions affectives qui constitue le personnage comme "round character" et non comme "flat character" (quand je vous parlais de personnages en carton installés tout d'un coup sur votre chantier comme vous poseriez des soldats de plomb dans un contexte de bataille historique, vous voyez bien que je reprenais à mon compte et selon mes propres métaphores les enseignements des grands critiques - ne me dites pas que vous ne vous attendiez à rien de pareil de ma part! suis-je donc si bas dans vos estimations de ma valeur?).
      De la même manière, la complicité instinctive entre Leni et son père (lui-même muselé dans son autorité  de père de famille de treize filles alors que sa femme et la mère de sa femme commandent avec mesquinerie) ajoute à son personnage juvénile une frange de délicatesse et d'intelligence à demi-mot qui donne de la pulpe à leurs entretiens. Qu'est-ce que je pourrais bien faire pour en donner aux miens et vous attacher à moi? A demain.

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29 mars 2009 7 29 /03 /mars /2009 11:24
      ...font les bons amis; on le sait. Voilà que je m'avise qu'hier je ne vous ai pas donné votre ration, épouvantée d'avance que je suis maintenant de voir apparaître au bas de mon espace réservé le rectangle jaune qui commande de publier. Il me manquait (pardon : il vous manquait) au moins trois lignes, et comme je suis foncièrement honnête (de cette honnêteté bourgeoise et citoyenne en train de se perdre dans les remous de l'histoire économique et financière) je vais faire tout ce qu'il sera en mon pouvoir de faire pour vous restituer votre ration. Ah mais! (au fond, c'est un ridicule scrupule, il m'honore moralement, certes, mais qui a vu qu'il lui manquait trois lignes, hein? Qui s'en est offusqué? Qui même - poussons le bouchon jusque dans les zones de pêche où personne ne s'aventure jamais - a vu que le titre, déjà peu aguichant, ne correspondait même pas au contenu de la dose journalière? Vous savez, si j'avais le caractère moins bien fait que je ne l'ai, je m'offusquerais de cette indifférence dans laquelle vous me tenez, mais oui, mes belins-belines trop silencieux trop éloignés trop portés aux bâillements (est-ce vrai, ça? est-ce vrai que vous bâillez? souvent? seulement de temps à autre? seulement quand je parle du biotope et de la climatologie? vous seriez bien gentils de me renseigner sur ces points, j'ai presque tendance à les considérer comme cruciaux, car si vous décrochez à cause de bâillements qui vous décrochent la mâchoire, il faut bien que je sache comment vous raccrocher - et qui peut le faire mieux que vous?). Oui, j'ai le caractère mieux fait que je ne l'imaginais moi-même autrefois. Que de choses je laisse passer dorénavant qui m'eussent fait bondir aussi haut qu'une faute de français ou d'orthographe il y a peu! Et ne croyez pas que ce soit de la lassitude, que non pas! J'ai conservé toute l'énergie d'antan, mais je trie mieux mes occasions de fureur. Et je me dis souvent qu'il n'y a rien à faire contre l'indifférence : si vous ne voulez pas me dire que vous vous régalez jour après jour des paroles que je vous adresse pour vous faire participer à ma méditation sur les problèmes de l'écriture; si vous tenez à rester sournoisement dans l'ombre, à ne pas desserrer les dents de crainte de me faire comprendre par un son ou un cri que votre jouissance de mes propos est si forte, si intense,  que vous en prenez peur de m'effrayer; si même vous avez peur, tout au fond de vous, que votre coeur ne vous lâche ou que votre cerveau ne se brouille tant je vous procure de l'ivresse et le suprême bonheur de l'intellect, alors alors, mes belins-belines,  je ne suis pas Don Quichotte,je ne vais pas me battre contre les moulins (je n'ai ni sa lance ni l'armet de Membrun, ni même un Sancho  Pança pour compter les coups de loin). Je vais vous laisser à ce que j'appelerais volontiers vos ignorances crasses, car quand je parle à mes minets ils me montrent qu'ils apprécient, ils ronronnent ils se frottent ils ont toutes sortes de petites moues délicates, je vois ce que je fais. Que diriez-vous si je choisissais définitivement entre leurs ronrons toujours à ma portée et vos silences où je sens parfois du mépris? A vous de jouer.
                                                                                                         Lucette DESVIGNES.
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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 15:11
     Pas forcément un titre aguichant, hein... Oui, je le reconnais, mais ça ne change rien à l'affaire. Pourtant, il faut bien des personnages "d'un âge", si on veut donner de la vie à un roman. Vous me direz que je ne suis pas mes personnages tout au long de leur vie, et que même quand je les mène jusqu'à leur mort (comme par exemple dans "Clair de Nuit") c'est rare que je les aie suivis tout au long de leur parcours : avec le personnage de "Clair de Nuit", il s'agit seulement des 48 dernières heures de son existence, ça lui donne l'occasion de remodeler cette existence et surtout ses derniers moments à son vouloir, ce qui le change de l'avant, puisque il a toujours été manipulé, sans lumière indispensable sur le sens de cette vie.Mais cependant je mène bien Francis à sa mort (le visage tourné vers le mur en signe de dégoût, ça vous dit quelque chose peut-être?), je mène bien Jeanne à sa mort pour que puisse s'établir ( au moins pour le lecteur puisque personne d'attentif n'est près d'elle pour entendre son dernier cri) le lien entre la petite Jeanne de la grande passion par-delà une existence agitée et son terme. Sans doute la fin de vie des uns et des autres me fascine-t-elle, lorsque je les ai beaucoup aimés. Du coup, je crois qu'aujourd'hui c'est plutôt de la mort que je parle; ce n'était pas intentionnel, je voulais surtout indiquer qu'il fallait des personnages d'arrière-plan pour donner corps au biotope sentimental entourant le personnage principal, à plus forte raison si ce personnage ès qualités se trouve être un couple. Autour de Marrain par exemple, dans ses derniers jours et ses dernières heures, il me fallait faire graviter des êtres d'un autre plan qui, par-delà la disparition de Marrain, veillaient déjà à la survie affective de Jeanne - elle-même déjà comme morte s'activant autour de lui, sachant tout inutile, l'ayant déjà quitté. Eux, la Cousine Fischer et le Père Berthoin, servent de soutien à ce personnage qui va s'effondrer; c'est seulement en pensant à la survie de Jeanne,   en programmant cette renaissance lorsqu'elle l'aura oublié, que Marrain trouve l'énergie de ses derniers moments. Précisément, même en mourant, il n'est pas un vieux, lui,quelqu'un qui a fait son temps, qui arrive à son terme, qui n'a plus qu'à attendre. Il a encore à dire, il a encore à faire. Et même si sa pensée et son expression se délitent en même temps que son souffle se fait rare, il meurt dans l'énergie, même s'il se sent accablé par un sort non mérité, et pas comme le Père qui arrive péniblement au bout de son rouleau. Moi aussi, à demain, bises aux chats.
                                                                                                      Lucette DESVIGNES. 
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27 mars 2009 5 27 /03 /mars /2009 17:56

     C'est aujourd'hui que le titre d'hier conviendrait bien, mais on peut facilement continuer sur la lancée. Je parlais hier de ce couple adhérant à son biotope pour le meilleur avant que le pire ne se produise. Je le donnais comme exemple de fusion, les divergences ou remous de l'intérieur dûment muselés, le bloc soudé, pas de faille visible. Je prendrais volontiers dans la deuxième saga l'exemple d'un autre couple, celui de Wollef et de Leni. Au démarrage, encore bien plus d'embûches et de difficultés : Marrain et Jeanne profitaient de l'entente que voulaient nouer les familles entre leurs deux maisons, cette fois-ci les deux familles sont ennemies. Deux familles extrêmement pauvres, riches seulement en enfants, obsédées par la faim dès que la mauvaise saison s'est installée. Et s'étant imaginé qu'il devait y avoir une hiérachie à l'intérieur de ces pauvretés, une famille estimant l'autre encore au-dessous d'elle. Pas question, donc, de laisser les aînés de ces deux tribus s'aimer comme ils ont commencé à le faire, c'est-à-dire d'une passion violente. Lorsque cette passion devient évidente, ils sont chassés l'un et l'autre de chez eux, même s'ils représentent pour le père de chaque famille un soutien nécessaire. La bonne raison de cet ostracisme ? Wollef s'est abstenu de faire ses pâques, afin de faire comprendre concrètement à la Mère qu'il a pris son indépendance et qu'il est normal qu'il aille chercher l'amour en dehors du cercle familial. Pour la famille de Leni c'est le prétexte idéal : comment laisser l'aînée à un mécrant avéré? C'est seulement après l'arrachement au pays natal, après la rupture des liens avec les deux familles, après l'installation aux Amériques, que cet amour pourra pleinement s'épanouir. Et il faudra des années pour qu'on aperçoive entre ces deux êtres qui ont été des amants passionnés une fissure, laquelle prend une forme spécifique pour l'un ou pour l'autre : Wollef retrouve peu à peu le tempérament autoritaire de son père, rêve du pouvoir - petitement puis sur une échelle plus publique - tandis que Leni refuse la venue d'autres enfants et se tourne vers un amour secret . Même bien caché le secret vit entre eux comme la soif de l'autorité, chaque mal dévorant l'autre. Et même si finalement   chacun survit dans son autarcie d'individu sans se retrouver brisé et anéanti, le couple a fait les frais de ces élans dissociés. L'invisible fracture a pris de l'ampleur au point d'être devenue perceptible à tous. Il est bon, me semble-t-il, d'admettre dans la formation d'un couple un élément contraire - ou contrariant - qui permettra éventuellement diverses variantes.     Toujours en laissant faire et laissant passer (vous savez sans doute que c'était la devise de certains économistes de la préhistoire, laisser faire, laisser passer : c'était aussi ce que les copains disaient de moi en me voyant tenter de jouer au tennis avec eux) . C'est comme faire le mort au bridge, j'aimais ça, et au tennis j'aimais mieux ramasser les balles tombées, ça m'épuisait moins que d' interrompre leur trajectoire quand elles m'étaient destinées. Voilà la fin, à demain, pas le temps de vous dire ce dont on va parler, mais mamours aux chats.

                                                                                                             Lucette DESVIGNES;

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26 mars 2009 4 26 /03 /mars /2009 18:37

       J'ai dit hier qu'on pouvait fort bien créer un couple en le faisant s'opposer au reste du monde (avec bien entendu cette réserve : s'il veut bien se laisser créer - je le répéterai de temps à autre, car il ne faut pas croire qu'on arrange ça avec la main). Cela me rappelle le choix que j'avais fait d'une toile de Pierre-Etienne de Valenciennes pour la couverture de l'édition Mazarine des "Noeuds d'argile" : le tableau s'intitulait "Le Grand Arbre" et j'avais délimité pour le cadrage un détail qui me paraisssait frappant pour l'histoire de ce couple. Un gros bel arbre, certes,  de belle venue, et deux branches maîtresses allant dans le même sens, mais noueuses, couvertes de cicatrices, ayant eu certainement du mal à survivre jusqu'à cette robustesse présente. Et une étonnante lumière tout autour, dorée, chaleureuse, alors que le reste de l'arbre se trouvait dans l'ombre. Ce rayonnement, je le voyais dans le couple de Marrain et de Jeanne, qui avait réussi à se former à force de passion, je voyais la peine qu'avaient eue les branches pour se trouver en parallèle, et je voyais aussi que cette lumière ne rayonnait pas partout, qu'on pourrait l'envier, souhaiter la partager, ou souhaiter la détruire, faute de pouvoir la partager. C'était un vrai symbole pour l'histoire de flamme et de cendre de mes grands-parents (j'ai parfois du mal à prendre conscience qu'ils  étaient mes grands-parents, j'ai tellement été amoureuse de Marrain...). En même temps, même si à l'époque (il y a un quart de siècle, mes belins-belines, c'est comme je vous le dis) je me moquais éperdument du biotope et de la fabrication du personnage (bien entendu, puisque j'écrivais :  je ne faisais pas de théorie, j'avançais, je trouvais le mouvement en marchant, j'étais même la plupart du temps dans un état second, ne me demandez pas trop à quoi je songeais en écrivant la passion de Jeanne et de Marrain, je ne pourrais guère vous répondre, même avec la meilleure volonté du monde), vous voyez bien que le biotope même sans nom ni profession de foi était présent. Immanent. Entourant les personnages de ces fameuses adhérences dont ils auraient tant de difficulté à s'extriquer. La lumière, oui, c'était le symbole récurrent dans leur histoire. Après... La couverture du "Grain du chanvre" l'exprime aussi : l'Histoire de Jeanne c'est l'histoire du bouleau mort, cet arbre fracassé par la foudre qui semble mort sur la jachère où Jean-François Millet l'a isolé, ce squelette d'arbre dans ces tons de gris sombre et de vert souffreteux, ce survivant qui un beau jour va se remettre à palpiter, un bourgeon, une feuille, un rameau... Au retour du printemps sans doute, lorsque la luminosité perd de sa grisaille et que le soleil se fait moins timide. La climatologie se met de la partie. Mais, me direz-vous, c'est du tableau de Millet que vous nous parlez, c'est lui que vous interprétez, ce n'est pas votre roman. Eh bien si, mes belins-belines, j'ai choisi de vous les montrer en images, ces deux romans : d'un seul coup d'oeil vous pouvez regarder l'un puis vous regardez l'autre. Les couvertures (parce que ce sont des tableaux merveilleux et que je les ai choisis exprès) les couvertures sont comme le résumé de chacune des histoires. Et que mes personnages soient des arbres, cela ne devrait pas vous paraître troublant. Ils suivent, comme les arbres, les cycles de vie et de mort, d'éveil et de sommeil. Aujourd'hui c'était le couple soudé jusqu'à la brisure. Demain ce sera le couple avec ce tiers invisible glissé en son sein (mais oui, j'ai de la suite dans les idées) que je vous ai annoncé en titre et que le volume désormais adopté ne me permet pas de traiter. Allons, la bise aux chats,  les vôtres et les autres, à demain.

                                                                                                                                         Lucette DESVIGNES.  

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