J’aurais vraiment voulu être la première à vous annoncer la nouvelle, mes belins-belines, et je suis bien désolée de penser que d’autres l’auront fait avant moi, à cause de mes aurores que je situe toujours en plein milieu de matinée bien avancée. Mais tout de même j’y reviens, même si vous êtes déjà au courant : oui, depuis hier soir nous sommes en campagne présidentielle. Enfin ! Depuis le temps qu’on nous la promettait, celle-là ! Eh bien nous ne l’attendrons plus, on va connaître les noms et les faciès des candidats, leurs habitudes, leurs projets personnels, leurs programmes. Jusqu’à présent on ne nous a parlé de rien, on ne nous a rien montré, on ne nous a rien transmis, on n’a pas fait le moindre commentaire. Rassurons-nous : ça va changer, et comme il ne reste plus que deux semaines pour nous renseigner je compte que la télé va sortir de son silence. Et ça serait bien, mes belins-belines, car enfin on ne peut pas élire un président de la République sans être informé si peu que ce soit. Oh ils ont bien compris, en hauts lieux, puisqu’on a des affiches placardées en série sur tous les panneaux d’affichage (avec la couleur spécialement étudiée, ici on a supprimé du rouge pour ne pas effrayer les foules, là on a fait sourire le sujet pour que l’électeur ne le prenne pas pour un vieux grognon, chaque affiche doit frapper comme une synthèse, avec devise, stature noble, bref tout ce qu’il faut pour vous accrocher au passage. Et ils ont même prévu des clips (tous la même durée, mais chaque candidat libre de son agencement interne) pour capter l’attention par surprise. J’en ai vu un ce matin, plein d’humour et de dérision. Mais de passer devant la collection d’affiches tous les jours, ou de voir à la télé jusqu’à plus soif les clips de campagne, cela va-t-il changer quelque chose en quoi que ce soit pour tout un chacun dans l’accomplissement de son devoir civique, quand le grand jour sera venu ?