Les gens célèbres sur la planète de nos divertissements nous faussent plus ou moins paisiblement compagnie comme tombent les feuilles mortes. Des grands noms aux yeux inoubliables, des comédiennes à l’élégance ultra parisienne – mondaine et écervelée, ne comprenant pas toujours ce qui se passe, du genre « Ma biche, soyez belle et taisez-vous » indispensable aux côtés du petit homme irascible et trépignant qui réussissait (mais pas toujours) à donner envie de s’esclaffer devant les scénarios les plus plats, les plus vides ou les plus extravagants du cinéma français. Des chanteurs aussi, dont le départ plonge des milliers de fans dans l’affliction et relance la vente forcée de leurs albums récents ou déjà introuvables. Il y a une curieuse tendance, parmi ces publics que la télé abreuve d’horreurs et de catastrophes, à se recréer un petit domaine alternatif où règnent le chant, le jeu, le dialogue, la grâce, l’aventure, l’oubli de sa condition présente, et où les monstres sacrés sont proches, familiers, presque au tu et à toi avec chacun : une sorte de contraire de la réalité, une refabrication d’un monde de sentiment, de romantisme, ou peut-être tout simplement de bonne humeur. Miraculeux impact des gens du spectacle sur les vies médiocres…Mais il y a des gens rétifs – et cela peut se comprendre Du temps du grand Charles, l’un de ses amis (j’ai oublié son nom, mais c’était un de ces grands noms de la vieille France qui se dévissent) avait une chronique hebdomadaire où on l’interrogeait sur l’actualité. A la question « Qu’avez-vous pensé de la mort de Martine Carol ? » il avait dit, après un instant de silence où il avait l’air de chercher en vain en lui quelque écho utilisable, quelque trace de quelque vague chose à mentionner : « Mais rien, absolument rien… ». Il n’avait pas dit « Qui est-ce donc ? », mais c’était tout juste. Et j’avais trouvé ce jugement accablant finalement fort compréhensible.