Je m’étonne parfois qu’on puisse juger de la valeur d’un livre au nombre des traductions qu’on en fait. « Déjà traduit en cinq langues ! » claironne-t-on. Qui dit mieux ? En douze langues,en vingt-trois langues !...Cela me paraît surtout être le résultat de deux choses. D’abord, qu’il y a eu une conjonction favorable d’éléments pour réussir ce projet (écrivains connaissant un traducteur, rencontres heureuses avec des traducteurs intéressés aux salons et foires du livres où s’activent les éditeurs, impondérables de la chance et du hasard, puissance du titre éveillant l’attention du traducteur qui imagine sur-le-champ une traduction séduisant… Je vous donne un exemple, Le Nom des Singes immédiatement traduit en anglais comme Naming the Jungle). La deuxième chose – et non, à mon avis, la moins importante – est le style de l’ouvrage. Plus la phrase est simple, non seulement avec des mots de tous les jours mais surtout une structure évidente, avec un vocabulaire que je dirai simpliste s’il ne regorge pas de plusieurs sens à la fois en face desquels le traducteur peut s’égarer (au cas où son instinct divinatoire n’est pas parfait), et plus la traduction sera facile et sans danger . On ne devrait donc pas s’étonner si tant d’ouvrages minimalistes qui sont tant à la mode depuis deux ou trois décennies en France et en Navarre sont automatiquement retenus à l’étranger par des traducteurs s’essayant dans le métier : pas de danger de s’égarer, il n’y a qu’une ligne de pensée et elle est tout ce qu’il y a d’ordinaire, de banal – même que, paraît-il, c’est voulu ! On pourra revenir sur le minimalisme une autre fois, quand je n’aurai vraiment, mais vraiment plus rien d’autre à vous offrir.